Vonnas : Des paysans passionnés ont participé à un théâtre-forum sur la transmission des fermes

Ce théâtre-forum intitulé « Transmettre est l’affaire de tous », a été organisé par la Communauté de Communes de la Veyle, l’ADDEAR de l’Ain et le CELAVAR AuRa, attirant une soixantaine de participants.
VisuelCdfPdv2024
VisuelCdfPdv2024
Précédent
Suivant

Seriez-vous intéressé par une version papier du journal L'Aindépendant ?

Annick Grémy, maire de Grièges et Vice-Présidente de l’intercommunalité de la Veyle en charge de la transition écologique et alimentaire, a introduit la soirée en remerciant la municipalité de Vonnas pour l’accueil de cet événement.

La transmission des fermes est devenue une problématique complexe et un enjeu de société majeur aux yeux des professionnels dans le cadre d’un développement d’une agriculture paysanne, en particulier dans l’Ain.

Le plus souvent, ce sont les jeunes formés à des techniques anciennes pour développer la bio agriculture et dont le financement est limité qui souhaitent reprendre des fermes actuellement tenues par des agriculteurs pratiquant la production agricole selon les critères de la production industrielle préconisée depuis les années 50, mais dont les enfants ne veulent pas reprendre l’activité pour différentes raisons. Il y a donc une double contrainte : choc culturel et perte de patrimoine pour le cédant. À cela, se greffent d’autres problématiques qui rendent complexe la recherche de solutions. D’une manière générale, les métiers de l’agriculture n’attirent plus autant qu’il le faudrait en rapport aux transmissions à faire, liées aux départs en retraite.

La compagnie “Ficelle & Compagnie”, une association agissant en tant que troupe de théâtre-forum et organisme de formation dans la région Auvergne depuis 2006, a réalisé un théâtre-forum pour rendre cette soirée informative, le sujet étant ardu.

Le théâtre-forum – inventé par le dramaturge brésilien écrivain Augusto Boal – consiste à jouer une première fois une scène afin de présenter le sujet complexe à traiter, puis de jouer une seconde fois mais avec la possibilité aux spectateurs d’intervenir pour essayer des alternatives, ou transmettre des informations et enfin chercher ensemble à transformer ces situations difficiles. Le spectateur intervenant est invité à monter sur scène. Le jeu n’apporte pas de solutions, mais propose une réflexion.

Deux scènes ont été jouées.

La première scène est le cas d’un cédant, pour cause de retraite, qui négocie avec un repreneur nouvellement formé aux méthodes de culture paysanne.

La scène dévoile les problèmes suivants :

  • La difficulté du financement avec le rôle des banques et la limitation du capital, mais également la valeur réelle du patrimoine nécessaire au cédant pour vivre de sa retraite.
  • L’hostilité des gens du métier (voisins qui voient d’un « mauvais œil » les nouveaux arrivants sur le territoire ; les terres changent de filiation).
  • Le problème des endettements des uns et des autres.
  • Le transfert de valeur entre terrain cultivable et terrain constructible.
  • Le changement de méthode de production (perte de savoir-faire, mais également choc culturel). Il y a parfois un sentiment de retour en arrière chez le cédant.
  • Le problème de la division des parcelles.

La seconde scène est le cas d’une jeune apprentie, en stage de parrainage, qui envisage le rachat d’une ferme auprès de son mentor. L’apprentie souhaite réduire le cheptel des bovins et passer en « bio ».

On retrouve en partie les problèmes précédents et sont ajoutés les suivants :

  • L’hostilité forte des proches de la repreneuse – misogynie du milieu paysan, et de la société en général. Tout le monde est contre son projet (famille, exploitants, institutions…).
  • Les exigences comptables, la gestion financière…
  • Les aides à l’installation conditionnées à des exigences par toujours comprises, pas toujours accessibles…
  • Les alternatives au projet (création de gîte, ferme pédagogique…)

Le public a joué le jeu, et s’est remarquablement investi, au point que votre rédacteur a cru à certains moments que des acteurs intervenaient ; mais non, c’étaient uniquement des gens passionnés et parfaitement renseignés sur les problématiques abordées ! Chapeau bas !

Le public a débattu sur tous les problèmes proposés et a rajouté les problèmes suivants (extrait) :

  • Perte de la maison familiale, et problème d’héritage entre enfants, problème des caution…
  • Anticipation du départ à la retraite.
  • Le système administratif cloisonne (faut que « ça rentre dans une case »…).
  • Des agriculteurs avides d’augmentation de parcelles, ainsi que des investisseurs étrangers ou apporteurs de capitaux, sont souvent les repreneurs. Leur motivation n’est pas forcément de continuer la culture, mais plutôt d’exploiter des opportunités de revente de terrains cultivés convertis en constructibles.
  • La rentabilité et la rémunération.
  • Le mode de production, la valorisation par la transformation et/ou la vente directe.
  • Le changement de mode de vie des paysans (intégration dans la société des loisirs). Le rôle des femmes et l’influence de la féminisation du métier.
  • La location des terres plutôt que la vente (fermage ; sécurité pour le repreneur, car très bien encadré par la loi).

Enfin la soirée s’est terminée par le témoignage de trois paysans : un couple cédant et l’un des trois jeunes repreneurs d’une ferme basée à Bâgé-Dommartin.

Dans ce cas, le couple reste dans une partie de la ferme un peu particulière car c’est un château avec dépendances. Les terres sont en fermage, il n’y avait pas besoin de loger les repreneurs car ceux-ci habitent à proximité. Conclusion de la transmission : trois paysans vont pouvoir vivre sur ces terres et la retraite du couple est assurée.

LES CHIFFRES

La durée d’une transmission peut s’étendre de trois à dix ans ! 9% de renoncement au projet. 68% des repreneurs sont seuls, 20% le font en couple et 12% sont des collectifs. 83% ont créé leur propre activité et 17% ont poursuivi l’existant. En production paysanne, les trois quarts des fermes produisent sur dix ha.

Environ la moitié des exploitants candidats au départ en retraite ne sont pas prêts ou ne retrouvent pas de repreneurs.

Un quart du territoire cultivable a été perdu pour la production paysanne, un quart des vaches laitières a disparu, en quelques années.

A SAVOIR

L’ADDEAR Ain est une association qui regroupe des paysannes et des paysans de l’Ain, des porteuses et porteurs de projets d’activité agricole ou agri-rurale et des personnes motivées par le devenir du monde rural et agricole, afin de maintenir de nombreuses exploitations avec les valeurs de l’agriculture paysanne sur le département de l’Ain.

Elle propose des formations pour les cédants et les repreneurs afin de les aider à clarifier leur projet et rendre la transmission possible et/ou dans de meilleures conditions, et d’augmenter le taux de réussites.

Le CELAVAR AuRA, basé à Clermont-Ferrand, est une coordination d’associations intervenant dans le champ agricole et rural. Il organise le décloisonnement des pratiques et des acteurs et actrices de l’animation et du développement des territoires ruraux.

EN PRATIQUE

Association ADDEAR
(Association Départementale de Développement de l’Emploi Agricole et Rural)

MCC Maison de la Culture et de la Citoyenneté – 4 Allée des Brotteaux – Bureau B4 – 01000 BOURG-EN-BRESSE
Courriel : contact@addear01.fr
Site internet : https://www.agriculturepaysanne.org/ain


Association Ficelle et compagnie
Courriel : ficelleetcompagnie@netcourrier.com


Texte & photos : Frédéric Chalot

Abonnez vous pour ne manquer aucun article !

*Vous avez la possibilité de vous désabonner quand vous le souhaitez.



Partagez cet article !