mercredi 15 janvier 2025 21h06
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Mâcon – Documentaire : « Au boulot » les « assistés » !
Gilles Perret et François Ruffin ont en effet déjà collaboré à plusieurs reprises pour aboutir à des documentaires à succès tels que « Merci Patron » (2015), « J’veux du soleil » (2019) et « Debout des femmes » (2021).
Pour « Au boulot », sur le site film-documentaire.fr, on peut lire ce résumé bien choisi : « « On fait de la réinsertion de riches ! » annonce François Ruffin, goguenard, après avoir lancé un défi à la très médiatique Sarah Saldmann – rencontrée aux Grandes Gueules de RMC – en lui proposant de vivre plusieurs mois avec les revenus des smicards qu’elle honnit. La juriste, qui a davantage ses habitudes dans les palaces parisiens, refuse le défi mais accepte néanmoins d’accompagner François Ruffin, sous la caméra de Gilles Perret, pour rencontrer ces travailleurs pauvres et partager leur quotidien. Son regard s’en trouvera-t-il changé ? Les auteurs mettent en scène le décalage effroyable entre le discours de certains éditorialistes et la réalité au quotidien des travailleurs pauvres. […] Rappel des auteurs : toute opinion, tout jugement, toute analyse doit s’appuyer sur une connaissance vécue des réalités. »
Comment votre rédacteur-serviteur a-t-il vécu ce film ? Avec les larmes aux yeux, voire plus, tout au long de la projection. J’ai longtemps cru en la méritocratie française mais, depuis la validation d’un brillant troisième cycle universitaire, j’ai bien compris que mon origine sociale modeste (fils de petits commerçants) serait un « fardeau » qui me suivrait longtemps dans ma carrière professionnelle. C’est ce qu’appelait certains économistes « la force de rappel ». Ce concept est simple : à diplôme égal, son rendement sera très différent selon le réseau familial et vos « savoirs-être » au sens très large du terme. Pour moi qui suis sans réseau voire sur « liste noire » à pas mal d’endroits, révolté de longue date et de moins en moins naïf, cela donne un parcours professionnel « chaotique » sous fond de précarité persistante. Et cela rend aigri, très aigri même à 45 ans passés.
Bien entendu, je ne souffre pas le martyr dans mon boulot comme certains « acteurs » de ce film. Mais quand même, les (fins de) mois difficiles financièrement, cela me parle vraiment ! Et, quoi qu’il me reste à vivre, je serai toujours du côté des opprimés du travail, des « pauvres gens », de ceux que l’avocate et chroniqueuse Sarah Saldmann, une héritière de la grande bourgeoisie parisienne (Ndlr : son papa est propriétaire de plusieurs cliniques et a écrit des bouquins à succès), appellait les « assistés » voire les « feignasses » avant de rencontrer « la France d’en bas ».
Lors de ce documentaire, cette jeune femme se confronte à la réalité de leurs vies, qu’ils soient livreur de colis, ensacheur de poissons fumés, femme de ménage, serveuse, technicien fibre ou aide à domicile (liste non exhaustive). Et Sarah Saldmann « tombe de haut » et redevient presque humaine au fil du documentaire. Comment d’ailleurs être insensible à ces parcours de vie ?
Je vous livre quelques répliques : celle du livreur de colis pour démarrer : « Stop au mépris. Les gens veulent du respect. Quand tu rentres à la Caf, y a personne pour te saluer ! ». La dame qui travaille dans le poisson fumé et qui souffre de troubles musculo-squelettiques : « Je ne suis jamais partie en vacances de ma vie. Vous n’êtes pas dans la même réalité que nous ! ». L’aide à domicile veut « se sentir utile auprès des autres et protéger les aidants ». Les techniciens fibre, issus d’une cité, déclarent aussi : « J’ai subi ParcoursSup’. C’est pas moi qui ai arrêté l’école, c’est l’école qui m’a arrêté ! (…) On veut du travail et on nous propose des missions de deux-trois jours. On est tous de bonne volonté dans les cités ! ». Au Secours Pop’, un bénévole et bénéficiaire explique « l’engrenage, la sentiment n’être rien pour la société. On déprime vraiment et souvent. Faut arriver à remonter après un accident de la vie ! ». En fin analyste, l’agriculteur du film, un Jeune Agriculteur (JA), déclare pour « dédouaner » Sarah Saldmann qu’on n’a « pas envie de voir des gens qui doutent à la Tv ». En quelque sorte, les chroniqueurs seraient des acteurs de théâtre prêts à tout pour faire un peu plus d’audience ?
Á un moment donné, ladite chroniqueuse déclare « Je suis une pauvre chez les riches » avant d’en reprendre un « coup » chez les bénéficiaires d’un dispositif « Territoires zéro chômeur » : « Á 45 ans, on ne vaut plus rien en France (…) Il faut déjà pouvoir commencer pour avoir de l’expérience (…) Faut connaître l’histoire de la personne dans la mouise ! » Depuis ce « tourisme social », Sarah Saldmann évite les termes « d’assistés » et de « feignants » sur les plateaux Tv… « Elle a changé de point de vue mais n’est pas à l’abri d’une rechute » a plaisanté Gilles Perret à son sujet lors du débat.
Ce réalisateur a aussi fait remarquer que « ses documentaires ne sont jamais achetés par les Tv du fait de blocages politiques. C’est une vraie difficulté pour faire passer des messages forts sur la question du partage des richesses et de l’humain » a-t-il ajouté.
Pour ne pas conclure, rappelez-vous que la fraude aux prestations sociales (des pauvres) est estimée bien inférieure à la fraude fiscale (des riches) et que le non-recours à ces prestations sociales est encore prégnant dans notre pays. Alors c’est qui les « assistés » ?
Lien vers la bande annonce qui donne le ton : https://www.youtube.com/watch?v=mnsX6ulq-9E
Texte et photo : Éric Bernet